Les régions d’Italie qui triomphent : La Lombardie et l’Emilie-Romagne

 

Alors que l’Italie affiche des résultats économiques catastrophiques, le nord du pays et plus précisément la région de l’Emilie-Romagne connaissent de bonnes performances et compensent les chiffres de la faible croissance générale du pays. Cette région, représentée par 100 kilomètres d’excellence : une ligne allant de Parme à Bologne, surfe au-delà de la crise financière. Elle prouve qu’il est possible d’être leader industriel, même en Italie, même en pleine récession. La «Packaging Valley», ses 170 entreprises et ses 13 000 employés, est une exception qui résiste même aux pires nouvelles économiques récentes.
Quelles sont les solutions envisagées pour maintenir la performance de ces régions (le Nord du pays) parmi les plus riches d’Europe ?

L’industrie est le moteur principal de l’économie italienne et est à l’origine des gains de productivité de l’ensemble du système. Ce secteur est créateur de nombreux emplois qualifiés, souvent parmi les mieux rémunérés. Les entreprises doivent redoubler d’effort pour innover et rester compétitives dans un secteur en confrontation directe avec ses voisins européens (Allemagne, France, Grande-Bretagne) et touché par les délocalisations. L’industrie concentre donc la plupart des efforts de recherches. Elle assure aussi 78% des revenus issus des exportations, qui servent à financer les importations de biens et de services.

Depuis des années, le Gouvernement a osé miser sur la cohésion et les véritables forces historiques de ses territoires via la création de districts industriels. Avec l’essoufflement de l’industrie européenne, il a dû multiplier ses actions pour continuer à rester compétitif et montrer que le pays mérite toujours sa place parmi les meilleures économies du monde.

 

Un modèle systémique en constante évolution, basé sur les forces historiques du territoire

 

 

  1. L’organisation en Districts Industriels

L’Italie est connue pour sa forte concentration de petites entreprises : 98 % de ses entreprises industrielles comprennent moins de 100 employés. La taille moyenne d’une entreprise industrielle italienne est de 7 employés. De plus, une des caractéristiques du pays est de compter plus de 5 millions d’entreprises, réparties entre l’agriculture, l’industrie, le commerce et les services et dont la grande majorité (95 %) sont des micro-entreprises. Ces micro-entreprises ont, en grand nombre, pris des mesures draconiennes pour affronter des marchés toujours plus mondialisés, développer leurs gammes de produits et accroître leur flexibilité afin de se lancer sur les marchés internationaux. Les micro-entreprises sont devenues le fer de lance des exportateurs italiens.

L’économie italienne, qui dispose de relativement peu de très grands groupes à l’échelle internationale (10 entreprises italiennes figurent parmi les 500 premières mondiales, contre 39 entreprises françaises et 37 allemandes) compte néanmoins quelques grands groupes emblématiques – dont Fiat, ENI, ENEL, Olivetti, Benetton, Finmeccanica… Cependant, le tissu industriel est principalement constitué d’un réseau dense de PME, véritables porte-drapeaux du savoir-faire italien, souvent regroupées au sein des 140 « districts industriels » et organisées en réseaux. Ces PME sont pour la plupart des entreprises familiales spécialisées dans une production particulière et situées dans une même zone géographique.

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Chaque district est spécialisé : en général, on y exerce une seule activité, parfois deux et, dans ce cas, la deuxième activité consiste généralement à produire des équipements pour la première. Les districts comportent aussi toute la gamme des services d’appui aux entreprises : comptabilité, paye, design et veille design, certification de la qualité, ingénierie, veille scientifique et technique, marketing. Les spécialités industrielles comprennent notamment : textile, cuirs et peaux ; habillement, chaussures, lunettes ; matériaux de construction (marbre, granit, carrelage, robinetterie, sanitaire) ; ameublement ; alimentation (fromage, huile, charcuterie).

Les Districts se caractérisent par une forte ouverture au progrès technique, une production ciblée et sur-mesure et concentrent une part importante de leur activité à l’exportation. Ils sont principalement concentrés dans le nord et le centre de l’Italie.

Le concept de district industriel remonte à 100 ans et fût de nouveau utilisé depuis les années 70 pour interpréter une forme spécifique d’expansion industrielle en Italie. Grâce à cette concentration, le savoir-faire, les informations commerciales, la main d’œuvre… circulent aisément. Cette proximité des entreprises rend possible une division progressive du travail et favorise la spécialisation entre les entreprises. Les districts agissent comme le véritable facteur de compétitivité et de souplesse de l’industrie italienne, permettant de s’adapter rapidement aux enjeux du marché et garantissant le succès des exportations industrielles du pays.

La réussite de ces districts industriels est due à la réunion de l’ensemble de ces facteurs, ce qui amène à réduire les coûts de transactions et crée un modèle décentralisé par opposition au modèle hiérarchisé d’entreprises de plus grande taille. La spécialisation permet aux entreprises de concentrer leurs ressources dans ce qu’elles savent faire de mieux. Ces regroupements basés sur de fortes collaborations permettent à des entreprises de réaliser ce qu’elles ne pourraient jamais faire individuellement. A savoir que ces entreprises sont interdépendantes mais n’entretiennent pas forcément de relations directes et restent néanmoins en concurrence les unes par rapport aux autres.

 

 

Des districts industriels vers les districts technologiques

p08-8_809123_180449_largeSuite à la crise financière de 2008, l’ensemble de l’activité industrielle des pays européens a connu un déclin important. En 5 ans, l’Italie a perdu 30% de parts de marché dans le commerce international. Le modèle des districts industriels affiche ses limites, le pays doit se tourner vers de nouvelles solutions pour rester compétitif.

 

 

 

 

 

 

2.  Les Districts Technologiques en Lombardie et Emilie-Romagne

A partir de 2002, le Ministre de l’éducation de l’université et de la Recherche (MIUR) lance des initiatives pour mettre en place de nouvelles formes de districts innovants : les districts technologiques. A la différence des parcs, les districts, comme les Pôles de Compétitivité français, sont nécessairement focalisés autour de thématiques bien précises. Chaque District est un territoire organisé autour d’une thématique ciblée variant selon les régions et qui rassemble petites et grandes entreprises, les laboratoires de recherche, des parcs technologiques et les districts industriels existants. Des mesures ont été mises en place pour encourager les banques à investir dans les PME.

La région Lombardie compte trois districts et rassemble de nombreuses associations d’entreprises, sociétés financières et instituts de crédits.

 

Les trois districts concernent :

  • les biotechnologies
  • les ICT
  • les nouveaux matériaux

 

Les objectifs :

  • valorisation de la recherche et des politiques de recherche, transferts de technologies
  • développement des réseaux et des plates-formes technologiques
  • développement de matériaux innovants (céramiques, composites)

Financement total : 90 millions d’euros

Ce district a pour objectif : le développement d’infrastructures de R&D pour les systèmes de « Mécanique Intelligente »

 

Fondée sur :

  • Des processus innovants
  • Le développement de laboratoires de recherche en réseau pour le secteur mécanique

 

les Acteurs : MIUR ; région ; universités de Bologne, de Modène, de Reggio-Emilia, de Ferrare et Parme ; CNR ; ENEA ; INFM.

Financement : 50 millions euros (2004/2006)

 

 

3.   L’exemple de la Packaging Valley

 

 

Aux alentours de la ville de Bologne (région d’Emilie-Romagne), on ne connait pas la crise. Dans cette région, les réussites économiques sont nombreuses, les carnets de commandes des entreprises spécialisées dans la fabrication de machines d’emballage sont pleins et les exportations sont à la hausse. Tout ça grâce à un tissu industriel très fourni et très solidaire, selon les entrepreneurs locaux. La concentration d’entreprises actives dans le domaine de l’emballage est telle que le périmètre de quelque cent kilomètres autour de Bologne a été rebaptisé “Packaging Valley”. Précisions, savoir-faire et innovation sont les maîtres mots de cette réussite qui tranche avec la crise qui frappe l’ensemble de l’Italie. Selon une étude des banques locales Carisbo et Banca Monteparma, ce secteur affichait au premier semestre 2012 une croissance de 9% par rapport à 2008. Sans compter qu’entre 2000 et 2011, les exportations à destination des BRICS se sont accrues de 260,4%.

Le « modèle émilien » désigne depuis longtemps un système économique « différent » caractérisé par une connotation politique et idéologique. C’est la région de la coopération et de la solidarité où, sur la base d’un territoire à prévalence agricole, s’installent à partir de l’après-guerre des agglomérations industrielles. L’énergie industrielle de la région tournait autrefois au tour de la production de soie. Aujourd’hui, elle est dédiée à la mise en boîte du café, des cigarettes, de produits cosmétiques, des pâtes etc…

Daniele Vacchi, directeur de la communication du groupe IMA, leader mondial des fabricants de machines à emballer les infusions précise que “Le terme de ‘Packaging Valley’ est une façon rapide de détailler quelque chose de complexe. […] Lorsque la crise a frappé, nous nous sommes tous serré les coudes, nous nous faisons confiance, nous partageons un tissu de relations informelles qui ne s’écrivent pas dans des contrats. L’économie est portée par la région : elle possède une culture industrielle historique. L’Italie est étranglée, mais l’Emilie-Romagne tient le choc.”

 

Pour finir

Le modèle italien démontre qu’une économie ne repose pas nécessairement sur de grandes entreprises. Le savoir-faire et la solidarité de petites entreprises rendent possibles l’exportation de produits de haute qualité dans le monde entier.

Cette démarche consolidée par des mesures gouvernementales rend possible de nouvelles formes de coopération et de synergie inter-entreprises et acteurs d’une même région.

Forthomme Partners propose régulièrement des Learning Expeditions dans ces régions d’Italie du nord. Par exemple nous avons accompagné les directeurs financiers d’un groupe bancaire mutualiste afin de comprendre les facteurs de résilience et le succès des filières industrielles régionales italiennes, dans un environnement national et international difficile. Pour plus de détails, vous pourrez découvrir l’intégralité de ce séminaire ici.